Illusion de la solitude [07]
L’androgyne posa son regard rouge sur Adryan et frissonna de plaisir à l’écoute du nom. Un mot lui revint en esprit lui faisant ainsi perde son sourire. Vie. Il lui devait la vie…
- - Je vous dois la vie!?...
- - …bien que Yelena, Bogdan et Nell veuillent votre survie, d’autres veulent votre mort. Et si ce soir-là je ne vous avais pas trouvé, vous seriez mort à l’heure qu’il est.
- - … trouvé est un bien grand mot, je dirais plus kidnapper! Ironisa Émeryk.
Adryan soupira tout en hochant négativement la tête. Il posa ses mains sur le sol et planta son regard sur l’androgyne. Ce dernier fronça des sourcils.
- - En fait, tu me dois la vie comme je te dois la mienne. Narwenn, Émeryk vous êtes un tout, un être. Et moi, je suis celui qui vous complète.
L’androgyne l’observa, inclinant la tête. Il retint un rire et son regard se figea sur le sol. Il parut penser pendant quelques instants alors que devant lui Adryan s’avançait. Il leva le regard.
- - Vous êtes moi et je suis vous…
- - Comment dire, c’est plus compliqué… vous savez que vous devez mettre fin au règne des chimères sur notre planète. Vous êtes en quelque sorte le coffre et j’en suis la clé, si je peux faire simple.
Émeryk fronça des sourcils, tentant de comprendre ce que lui disait le châtain. Adryan s’avança alors qu’Émeryk redevenait une femme à nouveau. Une image traversa son esprit, celle de la silhouette, celle de cette main tendue vers elle. Plus elle regardait Adryan, plus Narwenn croyait voir cet homme. Cette silhouette à qui elle réclamait de l’aide serait en fait cet homme, cette moitié. Elle soupira alors qu’Adryan s’avançait de nouveau vers elle.
- - Narwenn, lorsque vous recevrez toutes les chimères et les scellerez à l’intérieur de vous, je serai celui qui fermera ce réceptacle.
Narwenn avait l’impression d’être attiré par le corps d’Adryan, comme si son corps était aimanté. Une puissante force l’attirait vers lui. Son souffle s’accéléra alors qu’elle tentait de se défaire de cette attraction. Ce dernier le remarqua et s’éloigna d’elle en s’excusant.
- - Nos âmes se sont tant cherchées… souffla Adryan.
- - Alors était-ce bien vous!?
Le châtain fronça des sourcils tout en observant l’androgyne dont les yeux rouges teintés de mauve ne le quittaient plus.
- - Quand!?
- - Le soir où vous m’avez kidnappée! Il y avait une silhouette derrière l’épais rideau de neige. Elle semblait vouloir me dire quelque chose, elle me cherchait. Et lorsque j’ai crié vers elle, elle était parcourue de chocs… comme si cela lui faisait mal que je cris vers elle…
- - Nos âmes sont seules sans l’autre, il arrive parfois de voir l’autre. C’était bien moi, mais comment dire, mon âme ne reconnait qu’une seule partie de vous, sa moitié à elle. Bien que nous soyons attirés l’un vers l’autre, l’âme désire cette moitié si inatteignable…
Adryan ferma les yeux et se leva pour partir. Narwenn l’observa s’avancer vers la porte alors qu’il se retourna vers elle pour lui sourire.
- - Il se fait tard, dormez bien.
Un sourire sarcastique parcourut les lèvres de l’androgyne. Ce dernier regarda autour de lui, aucun lit ne s’y trouvait, aucune couverture, pas le moindre confort. Adryan sortit de la pièce et plongea cette dernière dans l’obscurité la plus totale, en éteignant la lumière. Narwenn attendit en silence que ses yeux s’habituent à la noirceur, mais rien n’y faisait. Elle ne distinguait aucunement les formes de la pièce. Elle se recula pour s’appuyer contre le mur, fermant les yeux. L’angoisse la tenaillait et elle sentait une pression sur elle. Ce n’était pas celle de son âme qui la pressait de retrouver sa moitié, mais plutôt la pression de son âme qui se débattait. Quelque chose était dans la pièce avec elle, mais où. Elle n’y voyait rien. Elle se retourna brusquement sur sa gauche et observa la noirceur s’attendant à voir surgir un visage. Son souffle s’accéléra, rien. Elle regarda autour d’elle s’efforçant de voir, si seulement elle était à moitié animale, se dit-elle. Elle longea le mur vers la droite pour trouver l’un des coins de la pièce. La pression se faisait de plus en plus forte sur elle et elle peinait à respirer. Narwenn regardait devant elle s’imaginant les yeux de son assaillant, empli de rage envers son destin d’éteindre à tout jamais les chimères. Il y avait de ceux-ci qui ne voulaient pas leur fin, mais elle ne pensait pas qu’ils pouvaient l’atteindre où elle était. Narwenn respira difficilement et envoya son esprit retrouver Adryan.
L’homme tourna la tête sur son oreiller ressentant à ses côtés cette présence à laquelle il s’était habitué. Mais elle n’était pas dans son état habituel. Il la sentait angoissée, comme si elle était aux prises avec la mort. Adryan se leva d’un trait et sortie aussitôt de sa chambre. Il croisa, sur son chemin vers la pièce où il gardait Narwenn, les trois chimères qui, elles aussi, avaient ressenti la terreur de l’androgyne.
- - Que se passe-t-il? demanda Adryan soudainement plus apeuré à l’idée de retrouver le corps de Narwenn inerte.
- - Ce sont les autres, ils l’ont retrouvé.
- - Cette vipère, pesta Nell.
La porte s’ouvrit en se fracassant contre le mur. Devant les regards nerveux des quatre arrivants, deux silhouettes se dissipèrent en poussière. Adryan se précipita vers Narwenn dont les yeux parcouraient frénétiquement le vide. L’androgyne avait toujours du mal à respirer et redoutait encore cette pression exercée par les deux chimères. Lorsqu’Adryan s’approcha, elle ne put s’empêcher de se laisser tomber dans ses bras, à bout de force.